Intention
50. Intentionnalité
La conscience doit être définie plutôt par son intentionnalité que par son contenu.
La philosophie contemporaine a été marquée par un abandon de ce langage classique qui attribuait à la conscience un contenu. Car le rapport de contenant à contenu n'a de sens que dans l'espace, et la conscience qui pense l'espace ne peut pas être elle-même spatialisée. On dira, par conséquent, que la conscience est intentionnelle, et l'on essaiera de déterminer quels sont les objets que vise cette intention et la manière même dont ils s'offrent à elle quand ils lui deviennent présents. Ainsi on réintègre la distinction entre l'acte et la donnée qui lui répond, on dénoue par l'observation elle-même la querelle de l'idéalisme et du réalisme, on retrouve le rôle de la finalité caractéristique de la conscience, et dont on comprend bien qu'elle puisse être absente de son objet. On atteint dans la conscience une activité originaire et créatrice d'elle-même, qui participe de la nature du vouloir. On peut considérer l'ordre et la méthode comme les produits naturels de cette activité intentionnelle. Il en est de même du sens et de la valeur dans la mesure où elle est, non pas l'effet du sens, mais sa justification.
51. Particularité
L'intention particulière se réfère toujours à une conscience psychologique.
Cependant, il semble que l'intentionnalité elle-même ait besoin d'être déduite. Il s'agit de savoir à quel niveau de conscience elle correspond. Or, il est clair que l'intention est toujours en rapport avec un choix que nous faisons, ou du moins avec une certaine détermination ou limitation de notre activité orientée vers un objet possible, qui répond dans l'instant à la direction même dans laquelle elle se trouve engagée. En d'autres termes, l'intention est par avance appliquée à une fin particulière qui est en corrélation avec un intérêt actuel, elle ne peut donc apparaître que là où le sujet, conscient de ce qui lui manque, tend vers lui, l'appelle et le cherche. Ainsi l'intentionnalité met bien en lumière ce caractère essentiel de la participation de dissocier un acte qui est nôtre mais qui ne peut se suffire, d'une donnée dont il a besoin pour qu'il ne demeure pas virtuel et puisse entrer dans le monde et nous y établir. Mais cette intention dirigée ne peut l'être que là où nous avons déjà affaire à un être individuel qui possède déjà une faculté de désirer et de préférer, si pure qu'on l'imagine. De telle sorte que l'intentionnalité, dès qu'elle commence à se déterminer même potentiellement, n'a de sens que pour la conscience psychologique. Elle seule est capable de lui fournir ces fins concrètes, dont on pourra demander quelle est leur corrélation avec une intention définie.
52. Vérité
La conscience en général peut être considérée comme intentionnalité de vérité et de valeur.
On se demandera pourtant s'il n'existe pas une intentionnalité de la conscience en général qui ne s'appliquerait encore à aucune fin, mais produirait toutes les intentions particulières à partir du moment où elle viendrait s'incarner dans une conscience individuelle. Et cela ne paraît pas contestable. Seulement, si nous demandons de quoi elle peut être intentionnalité, il semble qu'elle ne puisse être d'abord qu'intentionnalité de connaissance. Dans sa forme la plus pure, elle évoque des objets de connaissance pure, c'est-à-dire des idées, et si c'est elle qui demeure présente dans l'intentionnalité cognitive de la conscience individuelle, c'est encore pour lui permettre de découvrir, dans l'objet sensible, l'idée même qui lui donne un sens. Et si l'on prétend que dans son rapport avec le sujet absolu, la conscience en général est intentionnalité de valeur et non point seulement de vérité, cela est vrai sans doute aussi et permet de comprendre comment, à travers le plus humble désir, la conscience individuelle poursuit elle-même quelque reflet de la valeur.
53. Temporalité
L'intention est dans le temps, l'attention est hors du temps.
Mais cette intention d'une vérité et d'une valeur qui ne se distinguent l'une de l'autre que parce que nous nous référons déjà là à l'opposition de l'intellect et du vouloir, et qui ne sont point encore telle vérité et telle valeur, mérite-t-elle encore le nom d'intention ? N'y a-t-il pas dans l'intention quelque impureté, puisqu'on ne peut la considérer comme libre de tout intérêt, et puisque déjà elle fait intervenir le temps, c'est-à-dire une inadéquation nécessaire entre un avant et un après ? Mais l'esprit, dans sa pointe indivisible, est au-dessus de tout intérêt, comme il est au-dessus du temps. Aussi peut-on dire que l'intention n'est par rapport à l'attention qu'une attention divisée, et qui, déjà, est entrée dans le temps.
54. Attention
L'attention est l'acte initial et fondamental de la conscience.
L'attention est donc première par rapport à l'intention, qui en est la forme dérivée et déjà insérée dans le sensible. Voici les avantages qu'elle présente, si nous voulons définir par elle l'acte initial de la conscience :
1° Elle est indiscernable, semble-t-il, de la conscience elle-même : elle en marque toujours l'éveil ; dès qu'elle fléchit, la conscience commence à s'éteindre. Nous n'avons la conscience de rien autrement que par elle. Au contraire, l'intention échappe souvent à la conscience et demande à être elle-même l'objet de l'attention ;
2° Elle est au-dessus de l'intelligence et du vouloir, et elle ne paraît en être la synthèse, puisqu'elle est une initiative génératrice et première, que parce qu'elle est antérieure à leur division ;
3° Elle n'est pas elle-même déterminée comme l'est déjà l'intention. Toute attention est attention indivisiblement à soi et à tout ce qui est. Avant d'être dirigée, l'attention a comme qualité essentielle d'être disponible ;
4° Elle est prête à accueillir tout ce qui s'offre, et non pas seulement, comme on le dit quand on la fait descendre du plan transcendantal sur le plan psychologique, ce qui a pour nous de l'intérêt. Au lieu de présupposer et de susciter cet intérêt, comme on le croit presque toujours, c'est elle qui le rencontre et qui le découvre. Elle est une ouverture de la conscience à l'égard de la totalité du donné, sans qu'elle se laisse jamais guider dans la direction même du regard par le désir ou par le préjugé ;
5° Elle est l'acte suprême de la liberté, car la seule chose dont nous disposions sans doute, c'est de cette attention qui est toujours un premier commencement d'elle-même, qu'il nous appartient de rendre toujours présente, que nous ne consentons à tourner vers aucun objet privilégié, mais qui ne perd jamais de vue la totalité du réel, quelles que soient les tâches particulières auxquelles la conscience individuelle la fasse servir dès qu'elle la subordonne à une intention et entreprend de régler son jeu ;
6° L'attention est elle-même sans contenu : elle seule mériterait le nom de transcendantale, si on pouvait détacher sa virtualité pure, considérée dans l'acte libre qui en dispose, des formes psychologiques qu'elle prend dans la conscience de chaque individu ; c'est par l'intention que l'attention descend dans le moi empirique ; c'est par l'attention que l'intention elle-même s'élève au-dessus de lui. On voit bien en effet que dans l'attention pure, il ne subsiste rien qui puisse être dit m'appartenir, on peut dire pourtant qu'elle vient de moi, et même qu'elle est moi, mais dans ce sens où je me distingue moi-même de ce qui pourra jamais m'appartenir afin précisément que, par cela même qu'elle me donne, je puisse me découvrir moi-même, c'est-à-dire me faire ce que je suis.
55. Dépassement
Il y a un dépassement dialectique de l'intention dans l'attention.
Deux objections peuvent être élevées encore contre cette sorte de prééminence accordée à l'attention où l'on retrouve tous les avantages accordés à la conscience intentionnelle, mais en les surpassant :
1° On peut dire que la conscience transcendantale implique toujours une perspective en général dans laquelle l'attention, si elle est à son niveau, ne peut manquer de nous établir. — Ce qui est vrai sans doute, mais elle discerne précisément en elle la présence d'une telle perspective en général, et même d'une perspective individuelle qui la concrétise. Mais en la reconnaissant, elle cesse aussi d'être enfermée en elle. Elle se situe elle-même comme un centre de référence dans un tout a-perspectif dont elle exprime la limitation, et où elle reconnaît le plein de ce qui lui manque ;
2° On peut prétendre que cette attention elle-même n'est rien de plus qu'une attente et qu'au moment où elle est remplie, elle nous conduit à une sorte d'empirisme où les aspects du réel se découvrent à nous d'une manière occasionnelle et fortuite. Mais cela n'est pas vrai, non pas seulement parce qu'elle est attentive aux relations des aspects du réel, autant qu'au contenu de ces aspects eux-mêmes (et peut-être pourrait-on montrer que ce sont en effet les relations qu'elle retient, en raison de cette unité qui est en elle, et qui enveloppe par avance le tout de chaque chose et de toutes choses), mais encore parce que, étant l'acte propre de la conscience, elle n'est pas seulement attention à des données qui lui viennent du dehors, mais attention à elle-même et aux conditions de son exercice, de telle sorte que son activité n'est pas tant spectaculaire que dialectique, puisqu'elle ne peut accueillir aucun aspect du réel (objet, idée ou existence) autrement qu'en déterminant ses relations avec elle-même et avec tous les autres.
56. Réciprocité
Attention et intention s'impliquent et s'appellent réciproquement.
On voudrait faire une réserve à propos de l'intention dont il faudrait dire que si elle suppose l'attention, celle-ci pourtant l'implique et ne se passe jamais d'elle. C'est qu'on présente trop souvent l'intention comme si elle avait toujours un objet distinct du sujet, et qui fût, pour ainsi dire, son corrélatif. On ne pourra pas négliger pourtant que l'intention la plus profonde de la conscience est celle qui la prend elle-même pour objet, mais sans en faire pourtant un objet. C'est cette intention de l'intention qui est l'acte essentiel de la conscience ; elle est toujours en rapport avec un objet, sans quoi elle ne serait rien, pas même une intention. Mais on la considère alors à sa source ; alors elle est l'esprit même considéré dans la démarche par laquelle il se crée lui-même en se découvrant, ce qui n'est pas vrai de la découverte par laquelle nous découvrons un autre objet. Peut-être faudrait-il dire qu'il s'agit ici d'une attention à notre intention qui, en se renversant en une intention de notre attention, constituerait le nœud de la conscience transcendantale et de la conscience psychologique.
57. Intériorité
L'intériorité et l'extériorité ne s'opposent pas comme on le croit, car l'intériorité est un faisceau de rapports d'extériorité.
L'opposition entre un dedans et un dehors qui s'excluraient l'un l'autre est trop simple et représente mal le rapport de la conscience et du monde. La conscience n'est rien si elle n'est pas la conscience d'un monde, d'un monde dans lequel elle nous situe, mais par tout un ensemble de relations qu'elle établit entre lui et nous. Ainsi notre apparente intériorité n'est rien de plus que cet ensemble de rapports que nous avons avec le monde (où nous sommes à la fois déterminant et déterminé) et qui est unique, si l'on considère que le centre même où ils viennent se croiser, et qui est nous-même, est incapable de se répéter. Ainsi l'intériorité ne serait l'intériorité de rien, elle constituerait une solitude impossible à rompre, si elle ne résidait dans ce faisceau original de rapports avec l'extérieur, qui nous rend à la fois solidaire du monde et unique au monde. Et si toute pensée est pensée du général et permet à la connaissance de se constituer, la pensée de l'unique ne peut être que sentie et vécue : c'est elle qui est la conscience que nous avons de nous-même.
58. Relations
L'intentionnalité doit être déduite des relations mutuelles entre les divers modes de la conscience.
Les philosophes qui ont réduit la conscience à l'intentionnalité, ont sans doute eu tort de généraliser un caractère qui exprime bien sa finalité et son orientation vers un possible auquel elle demande de se transformer en réel : c'est là peut-être négliger toutes ces découvertes qui s'offrent à nous avant que l'intention soit née, ou qui la suscitent, et nous invitent, par conséquent, à découvrir en nous une intention potentielle dont elles nous donnent la révélation. C'est aussi trop accorder à l'idée d'un certain dessein qui se trouverait dans toutes ses opérations, et dans lequel l'objet, au moins par le besoin que nous en avons, se trouverait d'avance préformé. Du moins cette conception a-t-elle l'avantage de vider la conscience de tout contenu qui la matérialise et de représenter assez bien sa vie intérieure qui oscille tout entière entre deux mouvements opposés, l'un qui nous porte vers les modes particuliers du moi individuel, c'est-à-dire vers le sensible, et l'autre vers l'absolu spirituel qui est la source en nous de toutes les valeurs. Cette intentionnalité siège au niveau du moi transcendantal, qui est médiateur entre les deux autres. Mais elle est double, et porte en elle la possibilité de deux mouvements en sens opposés, à la fois associés et concurrents.
59. Acte
La conscience suppose toujours la corrélation entre un acte et une donnée : mais c'est limiter le sens qu'il faut donner au mot acte que de le définir comme toujours intentionnel.
La conscience, qui est un effet de la participation, ne peut pas se passer de l'opposition entre l'acte, qui marque notre participation intérieure à l'être, et la donnée, qui marque cette sorte d'achèvement de l'acte qui ne dépend plus de nous, mais d'une réponse que l'être nous fait. Telle est aussi la signification que l'on entend donner à l'intentionnalité quand on la considère comme l'attitude caractéristique de la conscience et qu'on l'oriente vers un objet qui vient s'offrir à elle, sans qu'on puisse dire que c'est elle qui le détermine : elle n'en détermine que l'apparition. Toutefois le mot intention est peut-être trop étroit pour caractériser l'acte propre de la conscience : il n'a de sens que sur un plan psychologique où déjà le temps intervient, il implique une sorte de présomption de l'objet dans la fin qui sert à définir l'intention, et comme une adaptation réalisée, ou exigée d'avance, entre l'opération et son effet. L'acte de la conscience a un caractère plus dépouillé : il n'est pas exclusivement psychologique ; il ne suppose pas un temps qui se déploie entre son point de départ et son point d'arrivée ; il n'implique aucune finalité, même désintéressée. Il n'anticipe nullement la possession qu'il pourra nous donner. Il est l'exercice pur d'une puissance du moi. Dans sa forme la plus parfaite, il ressemble à un jeu. Et ce qu'il nous apporte n'était ni prévu ni attendu, mais y correspond pourtant si exactement qu'il n'est rien de plus que le pur accueil de la conscience à l'égard de son accomplissement même.
60. Opération
L'opération corrélative de la donnée est plus proche de l'attention que de l'intention mais les surpasse toutes deux.
L'acte primitif de la conscience n'est pas l'intention, qui accorde une primauté au temps et à la recherche d'une fin : le mot d'attention l'exprime mieux, puisque l'ouverture est alors plus désintéressée et plus parfaite à l'égard de ce qui peut m'être donné. Le mot attention désigne sans doute un acte plus proprement intellectuel, mais il éveille l'intention plutôt qu'il ne la suppose. Dans sa forme la plus pure : « attention à l'être, attention à la vie », il ne contient aucun privilège à l'égard d'un aspect particulier de l'être ou de la vie. L'intention le détermine par une sorte de collusion avec le désir. L'attention est plus proche de l'acte pur ; mais cet acte, à l'échelle de la participation, ne crée rien, il n'est rien de plus que l'accueil en nous de la réalité. C'est elle qui en dessine la forme, loin qu'il lui impose la sienne. Et si l'on pense que le mot attention est trop spécifié encore, et qu'on ne peut concevoir une attention sans objet, alors il suffît d'employer le mot d'acte en tant qu'il désigne l'unité même d'une conscience, qui se scinde en opérations différentes, selon la nature de la fin qu'elle cherche à atteindre ou de l'objet qui lui est offert pour qu'elle le saisisse.
61. Liberté
Au point où la liberté s'exerce de la manière la plus parfaite, elle coïncide avec ma propre nécessité.
La liberté, étant un acte, ne peut jamais être considérée comme donnée. Ou plutôt elle se donne à elle-même. Ce qui veut dire qu'elle doit se chercher avant de se trouver. Mais, aussi longtemps qu'elle se cherche, elle est encore entravée. Elle ne réussit pas à s'exercer ; elle lutte, semble-t-il, contre une nécessité qui la contraint jusqu'au moment où elle trouve une nécessité avec laquelle elle s'identifie. Cette nécessité tout intérieure est, si l'on peut dire, la nécessité de moi-même ; le difficile est de la découvrir.
62. Assomption
La conscience elle-même, à son sommet, n'est plus conscience de moi, mais conscience du monde ou, plus exactement encore, de cet acte même par lequel le moi se fait en assumant le monde.
Aussi longtemps que je garde la conscience de moi-même, l'intervalle entre le moi et le monde ne cesse de s'accuser, de telle sorte qu'il me semble que je dois renier le monde pour trouver le moi : telle est en effet la tendance d'un grand nombre de philosophies. Mais lorsque cet intervalle se comble, il ne faut pas dire que la conscience cesse, mais qu'elle devient par degrés plus parfaite. Alors aussi, on peut dire que le moi s'oublie, et qu'il n'est plus que la conscience du monde. Mais cet acte par lequel je deviens conscience du monde, est aussi l'acte par lequel je me fais moi-même en assumant, pour ainsi dire, le monde selon mes forces, et dans une perspective qui est la mienne propre. Cette conscience du monde ne devient la conscience du moi que lorsque déjà elle recommence à fléchir et à me séparer du monde. L'effort de la philosophie a été pendant longtemps d'obtenir que le moi s'oppose au monde : il sera bientôt d'obtenir qu'il le retrouve.
63. Double sens
La découverte peut se faire en deux sens, soit que celui qui part de la donnée découvre l'opération qui l'explique, soit que celui qui part de l'opération découvre la donnée qui lui répond.
Si la découverte consiste toujours dans la correspondance de l'opération et de la donnée, on voit sans peine qu'il faut nécessairement partir de l'une des deux pour montrer comment l'autre s'y ajuste. Ainsi il arrive que ce soit la donnée qui se présente à nous d'abord, alors nous remontons vers l'idée, c'est-à-dire vers l'opération qui l'explique, et qui présente toujours une plus grande généralité qu'elle, puisqu'elle est un acte que l'esprit peut répéter et dans lequel, par conséquent, la donnée s'est dépouillée de ses caractères concrets et particuliers. C'est ce mouvement de l'esprit que l'on appelle induction. Mais il existe aussi le mouvement inverse, qui va de l'opération à la donnée et qui nous fait croire que l'esprit est créateur (comme quand on pensait que l'on pouvait passer de la mathématique à la physique par l'intermédiaire de la physique mathématique). Cette marche de la pensée est évidemment une marche déductive. Mais lorsque la déduction ne se contente pas d'enchaîner des opérations, c'est-à-dire lorsqu'elle aboutit à la donnée, cette donnée ajoute toujours à l'opération : elle constitue pour la conscience une véritable révélation. Telle est la raison pour laquelle on a admis si facilement, tantôt que le monde des opérations nous faisait pénétrer dans le seul monde réel que le monde des données nous dissimulait (comme l'a pensé le platonisme et à sa suite toutes les formes de l'idéalisme), tantôt que le monde des données jouissait seul de l'existence et que le monde des opérations n'était qu'une sorte de superstructure permettant d'agir sur lui et de le reconstruire. Mais la participation montre assez clairement que le réel est au point où ces deux mondes se croisent, l'opération nous découvrant l'intériorité même de notre participation, et la donnée, ce qui dans le réel la dépasse et l'achève, en lui demeurant extérieur et pourtant présent.